XIII • X • MMXXIII
Il nous aimait, s'écrient Flaubert, Stendhal, Balzac,
Il nous aimait, soupirent Fauré, Haydn, Bach,
Il nous aimait, disent Le Titien et Manet,
Il nous aimait, pleurent Véronèse et Courbet.
Dans l’insensible nuit sombre de l'ignorance,
Coule lentement un sang chargé d’innocence,
Précieux et froid tissu vermeil, brodé d’amour,
De l’habit d’un homme figé par sa bravoure.
Dans l’impassible nuit sombre de l'ignorance,
Brille le prestige de nobles connaissances
Qui ont influencé les âmes et les âges,
Le cœur et les pensées de ce lettré visage.
Dans l’indicible nuit sombre de l'ignorance,
Passent les esprits, victimes de la violence,
Qui sacrent son corps éteint, de leurs chants peinés,
Rappelant son mépris de la mort, raisonné.
Dans l'improbable nuit sombre de l'ignorance,
Son esprit libre, léger, vit, rêve, rit, danse,
Jusqu'à cet instant où une voie, la meilleure,
Inspire à chaque homme un courage, sans frayeur.
Dans l'ineffable nuit sombre de l'ignorance,
Ni le vent divergeant d'ancestrales vengeances,
Ni la féroce main et sa lame funèbre,
Ne voilent ton étoile éclairant les ténèbres.
Dans l'impensable nuit sombre de l'ignorance,
Toi, seul rempart, n'as d'égal que ta bienveillance.
On t'entend dire : Non, non je ne mourrai pas !
Donnant espoir à tous : là, jaillit ton exploit !
Dans l’impossible nuit sombre de l'ignorance,
Ton courage nous sauve, issu d’œuvres immenses
D'immortels lettrés, dont la vaillante sagesse
Sert de bouclier au Bonheur plein de promesses.
Dans l'implacable nuit sombre de l'ignorance,
D'Arras s’élève une minute de silence...
Pour ton âme et les autres qui furent volées
Avant leur heure, par une haine aiguisée.
Il nous aimait, s'écrient, tous, famille et amis,
Il nous aimait, soupire ton collège aussi,
Il nous aimait, disent l'Art et la Connaissance,
Il nous aimait, pleurent Liberté et la France...
Demain, après l'aube... Tous connaîtront ton nom !
Certains te diront héros... d'autres te loueront...
Mais tous se souviendront comme d'un étendard
Du nom que tu portes : Dominique Bernard !
Ambre Lambert-Toledano
NOTRE-DAME
Ô Notre Aimée,
Sous tes voûtes de pierre où se mirent les âges,
Où les siècles passés ont laissé leur passage,
Tu poses sur nous tous ton regard millénaire,
Ta rosace sacrée, ta flèche légendaire !
Tu nous fais remonter à la première pierre,
Celle posée par Pierre au creux de notre Terre…
Coups de serpes, burins, ici naquit ta nef,
Gargouilles et statues ornèrent ton relief.
Ô Notre Aimée,
Sur ton parvis pavé, au temps d’Esmeralda,
Tes cloches bourdonnaient tant d’amour, tant de joie !
Héritière de Dieu, des rois tu fus la reine,
Cathédrale des Cieux, si belle, si sereine.
Ton sanctuaire s’ouvre à qui s’en vient à toi,
Fidèle, promeneur, peut exprimer sa foi,
S’y consoler, pleurer, rêver d'éternité…
Se protéger, prier, en ton immensité.
Ô Notre Aimée,
Innocent, Paris chante en ce jour de Printemps…
Là-haut… ta charpente meurt sur tes arcs-boutants !
La pourpre d’un brasier dévore ta flèche et,
Perfide, il prend tes tours, tes vitraux, tes clochers…
En ce jour de drame, la Vierge Marie pleure !
Les héros des flammes luttent des milliers d’heures !
La France et le Monde crient d’horreur, endeuillés !
Nul n’a le cœur à rire : ici, tout a brûlé.
Ô Notre Aimée,
Vois ces milliers de mains, et ces milliers d’outils,
Et ces millions de dons, et ces milliards d’amis,
Venus du monde entier, t’aider par leurs prières.
Vois tous ces compagnons aux anciens savoir-faire,
Fiers de tes vitraux et de ta flèche d’antan,
Sur l’île en la Cité où tu trônes hors du temps.
Ô Notre-Dame,
Ni le feu, ni les vents, ni les mauvais présages,
N'ont freiné notre élan pour sauver ton ouvrage,
Hugo t’a protégée, le Temps t’a préservée,
Le Feu t’a ravagée… La Foi t’a relevée.
Vois tes enfants unis dans la fraternité,
Tous soudés, guidés par ta lumière sacrée !
Ô Notre-Dame de Paris ! Ô Notre-Aimée !